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L’HUMANITÉ SURVIVRA-T-ELLE À L’AGRICULTURE ( ET À LA TECHNOLOGIE ) ?
Et pourquoi nous nous consacrons à la permaculture depuis plus de 20 ans.
À l’instar du docteur Michel Odent, qui pose une question essentielle dans son livre intitulé “L’Humanité survivra-t-elle à la médecine ?“, nous nous interrogeons plus globalement sur l’anthropocène, et posons la question :
l’Humanité survivra-t-elle à l’agriculture (et à la technologie) ?
Nous pensons en effet que le choix de société qui consiste à produire notre nourriture, notre énergie et nos matériaux au moyen de l’agriculture, choix qui prend son origine il y a 10 000 ans, est la cause fondamentale des problèmes gigantesques que rencontrent l’Humanité et la planète aujourd’hui.
Entre autres conséquences catastrophiques, ce choix historique a très rapidement entraîné la déforestation massive de la planète, la création de déserts à des échelles continentales, le plus rapide épisode d’extinction massive des espèces vivantes de toute l’histoire de la Terre (biocide), la destruction de ses processus vitaux et de ses patterns fondamentaux (notamment de sa capacité d’autorégulation), et la destruction de la plupart de ses écosystèmes terrestres et aquatiques, au point de menacer sa capacité à rester en vie – et donc sa capacité même à porter la vie (géocide).
L’agriculture comme moyen de production de la nourriture, des matériaux et de l’énergie a aussi très rapidement eu pour conséquences une extrême dégradation de l’harmonie du corps social et de la qualité de vie des personnes, depuis l’alimentation et la santé jusqu’à l’économie et la gouvernance :
– création systématique et exacerbée de pénurie et de rareté ;
– éclatement des moyens de production, et plus généralement des capacités des groupes et des personnes ;
– fragmentation extrême des psychés et des sociétés (petit nombre d’élites à l’immense pouvoir versus foule d’esclaves – songeons que l’on doit investir en agriculture aujourd’hui jusqu’à 20 calories pour en produire 1, ce qui est impossible sans systèmes esclavagistes) ;
– accaparement, par une minorité, du foncier et des moyens de production ;
– inégalités et concurrence structurales à tous les niveaux ;
– violence et guerre systémiques ;
– dépendance inouïe à des quantités faramineuses d’eau, de matériaux, de chimie et d’énergies non renouvelables et à très haut niveau technologique, non seulement extrêmement toxiques et dangereuses, mais en plus non maîtrisées au niveau des personnes et du groupe ;
– dépendance à des systèmes de production de la nourriture, des matériaux et de l’énergie intrinsèquement dégénératifs, toxiques et destructeurs, et de surcroît incroyablement peu productifs, non soutenables et non résilients ;
– lesquels accroissent toujours plus, et à échelle planétaire, le chaos climatique, la déforestation et la désertification,
– ainsi que la salinisation et l’érosion (perte) des sols (ce qui les rend incultivables en agriculture), et créent inondations et coulées de boue (et donc sédimentation et destruction des écosystèmes aquatiques).
Tout cela a finalement pour résultat une dépendance toujours accrue à ces systèmes, alors même qu’ils maintiennent les personnes et le corps social dans l’insécurité quant à l’alimentation, la santé, l’accès à l’eau, aux matériaux et à l’énergie (tant dans les pays dits riches que dans les pays dits pauvres), et plus généralement dans une économie de la rareté, extrêmement inégalitaire et concurrentielle, et dans des formes de société intrinsèquement insécures et violentes.
“La forêt précède les peuples, le désert les suit” : comme le soulignait Chateaubriand, l’agriculture et nos autres systèmes de production constituent le choix du minéral (ou choix du feu) contre le choix de la matière organique et de l’abondance des ressources.
La question est donc de savoir si nous sortirons de l’anthropocène par l’extinction des plus grandes formes de vie (et de notre propre espèce), ou s’il existe une autre issue.
Heureusement oui, il existe une autre issue – pour peu qu’on la choisisse :
en effet, la permaculture propose la solution la plus rapide, la plus simple et la plus efficace pour reforester massivement notre planète et produire de manière soutenable de quoi répondre aux besoins des personnes et du corps social.
CONCLUSION
Un monde au climat à nouveau auto-régulé.
Un monde reforesté et vert.
Un monde aux ressources abondantes et quasi gratuites.
Un monde en paix.
Un monde égalitaire.
Tel est le programme de la permaculture.*
… Et telle est la raison pour laquelle nous nous y consacrons depuis plus de 20 ans.
Éric Escoffier, Sylvaine Anani et l’équipe de Permaculture sans frontières
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(*) Résumé adapté de Rosemary Morrow.